Synopsis

Pourquoi les Maoris de Nouvelle-Zélande considèrent-ils que le futur est derrière eux et le passé devant ? Comment les Chinois pensent-ils le temps, alors que le chinois classique ne possède pas de mot pour dire ce concept et que les verbes ne se conjuguent pas ? Pourquoi ne faut-il jamais dire « au revoir », mais « à demain », dans la société kanak de Nouvelle-Calédonie, même lorsque l’on se quitte pour toujours ?

Ces questions et bien d’autres sont abordées dans cette conférence grand public qui prend aussi la forme d’un échange interactif. On y fait des incursions dans différentes sociétés, qui ont façonné des manières spécifiques d’appréhender le monde. On y découvre ainsi des perceptions de la temporalité différentes de celle qu’a construite l’Occident. On y rencontre des langues dans lesquelles le mot « temps » n’existe pas.

En Chine, où le monde est un réseau continu de relations, on a privilégié l’idée de processus en mutation permanente, constitué de moments plus ou moins favorables. À l’opposé du temps pensé par les philosophes grecs, cette entité abstraite, ce flux linéaire, isolé et quantifiable, extérieur à nous, qui est à l’origine de notre temps occidental. Ce « temps », soubassement de toute notre société, que l’on perd ou que l’on gagne, qui file ou se rattrape, qui permet de planifier, de projeter, de réguler.

Au Japon, le temps est inséparable de l’espace. Cet espace-temps repose sur les intervalles, les espace et le vide. Des formes connues en Occident, haïku, cérémonie du thé, temples que l’on détruits et reconstruits sur le même modèle, peuvent le figurer matériellement.

Chez les Aborigènes d’Australie, le Temps du rêve, le Dreamtime, temps mythique de la création du monde, est comme un univers mental dans lequel les Aborigènes sont plongés. Coexistant en permanence avec le présent des hommes, il est à la fois passé, présent et avenir. C’est pour en garantir l’existence que les hommes et femmes d’Australie réalisent leurs désormais célèbres peintures du Temps du rêve.

Nous évoquons d’autres représentations du temps. Celle de l’Inde, où l’univers, ainsi que l’histoire humaine et cosmique sont liés à deux forces, le temps, Kâla, et l’action, Karman ; celle des Indiens d’Amérique, Hopi et Navajo, ou encore celle, proche dans l’esprit mais si éloignées géographiquement, des Polynésiens, des Malgaches et de certaines sociétés des Andes.

Nous nous posons aussi plusieurs questions : comment nos interrogations sur l’éphémère, l’éternité, la mort, prennent-elles des formes différentes dans d’autres paysages mentaux ? Comment traduire des concepts abstraits quand les mots ne signifient pas la même chose d’une langue à l’autre ? Est-ce la langue qui conditionne la pensée ou bien la perception du monde qui modèle la langue ?

Après ce voyage dans le temps et l’espace, nous allons peut-être regarder autrement notre montre ou notre agenda avec cette question : « Au fond, qu’est-ce que le temps ? »